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volonté d’un seul homme, peut devenir comparable à la garde prétorienne, et à l’état-major de Lafayette.

Il s’en faut bien que cela soit de quelque poids ; c’est une manière de tourner les armes de l’opposition contre elle-même. En effet, qu’y a-t-il de commun entre un corps politique de Rome, sans gouvernement, et sans lois, du temps des Césars, et la garde nationale de Paris, soumise à ses lois, et sans prince ? On parle de l’état-major de Lafayette. Lafayette était législateur et général dans un temps d’anarchie. Craignez-vous aujourd’hui quelque chose de Santerre ? Peut-être auriez-vous davantage à redouter le chef et l’état-major de cette armée indépendante, placée entre le peuple et vous.

Je crois que votre comité avait calculé légèrement les proportions d’unité, et les considérations politiques de ce projet.

Votre rapporteur vous a parlé de factions. Je désire, avec le même intérêt, qu’on arrête les complots. Le mal n’est pas tout entier dans les àmes ardentes. J’ai observé attentivement et cette assemblée et Paris. J’ai suivi le fil des mouvements populaires au fond du cœur des hommes que j’ai trouvés capables de les susciter. Il en est, peut-être, qui se ménagent, avec tranquillité, un grand crédit dans le nouvel ordre de choses ; qui n’ont mis le trône à terre que pour y monter. Leurs armes seront des lois insidieuses, monstres pleins de douceur, ils proscriront la vertu sauvage et sans artifice. Je crains moins l’austérité ou le délire des uns, que la souplesse des autres. Le philosophe les verra, du fond de son âme solitaire, mener le peuple à l’esclavage par le chemin de la liberté, et combiner leur élévation sur les malheurs de la patrie. Les voilà, les factieux, qu’on n’arrètera point par des milices. Leur ambition, toujours légale, agitera le peuple, agitera les armées, agitera les lois. Vos milices en imposeront-elles au droit de tout dire, au pouvoir de tout entrainer ? Non, non. Point d’armes pour les tyrans. Armez la vertu de la dextérité du crime contre le crime : armez le peuple ; c’est lui qui doit régner. L’usurpation est une énigme qu’on devine toujours trop tard. Je