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déclare qu’en combattant votre projet, je n’ai point d’autres vues moi-même. J’examine dans quelles circonstances nous nous trouvons, ce que nous sommes, quels écueils nous attendent, et je crois qu’il faut d’autres[1] et mesures pour nous-mêmes, et pour opérer ce lien moral dont vous parlez.

Et moi aussi, comme Buzot, je définis la république, une confédération sainie d’hommes qui se reconnaissent semblables et frères, d’hommes égaux, indépendants, mais sages, et ne reconnaissant de maitre que la loi émanée de la volonté générale, librement exprimée par les représentants de la république entière.

Le principe nous est commun ; nos conséquences diffèrent.

On vous a dit aussi, citoyens, que la république est une, et indivisible ; que vous devez l’envisager sans cesse avec l’entière abstraction de tout lieu et de toutes personnes. C’est elle, a-t-on dit, que vous avez considérée, en arrêtant d’en extraire une portion conservatrice pour le corps de ses réprésentants.

Je m’arrête, et je considère quelle est la nature de cette intensité qui entretient, dans la république, l’intelligence et l’unité de ses parties.

La division de la cité ne consiste point dans une fraction du territoire ; l’unité ne dérive pas de l’indivisibilité du domaine ; mais cette division consiste précisément dans ce que le rapporteur prétend être le principe de l’unité ; elle consiste dans l’extraction d’une portion de citoyens de la masse des citoyens, et le rapporteur confond ce qui resserre, sans mesure ni proportion, le lien du joug politique, et le porte à la tyrannie, avec ce qui rallie les citoyens, et les ramasse contre toute force illégitime, soit dans le magistrat, soit dans lui-même.

Aussi, la rectitude du corps social dérive bien de l’entière abstraction de tout lieu et de toute personne ; mais à l’instant où le magistrat, confondu avec la loi, est armé, il y a

  1. Nous avons reproduit fidèlement le texte publié par la Société des Jacobins. Il y a certainement ici une lacune.