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pères altéraient la monarchie en comblant l’Église de biens, ils ne savaient pas préparer la liberté.

Law avait élevé sa banque sur la violence du despotisme, et les imperti­nences du Mississippi ; il arriva que le peuple trompé se consola par l’usure, et tous les intérêts privés étant compromis arrêtèrent la ruine universelle.

Depuis cette époque le despotisme devint plus odieux que dans l’Orient ; les impôts y sont ordinaire­ment modérés, et le peuple, tout vil qu’il est, vit paisible dans les fers ; le trône de France devint un comptoir dangereux ; plus il absorba de capitaux, plus les exactions devinrent effroyables, parce qu’il fallait conserver le crédit en acquittant les intérêts ; le commerce restait encore, qui soutenait la défaillance du peuple ; le commerce fut englouti ; la soif du despotisme consu­mait tout ; c’était pour lui qu’on allait aux délicieuses Antilles ; l’exportation ravissait à l’artisan la douce aisance ; la France était un pays de rameurs, de nobles et de mercenaires.

C’est alors que le négoce dépérissant et devenant chaque jour plus sordide, le gouvernement étant épuisé par ses violences, la ressource dernière fut une caisse d’escompte qui mit l’industrie entre deux abîmes. Le monarque fut trafiquant, banquier, usurier, législateur ; la même main qui pressait les veines du peuple traçait les paternels édits : on lui avait arraché son opulence, sa médiocrité, sa misère même, si j’ose ainsi parler ; enfin par un monopole cruel, chef-d’œuvre de l’esprit du Genevois, on lui ravit son pain ; la faim et la mauvaise nourriture remplirent Paris et les provinces d’épidémies et de crimes ; tout change alors, le peuple indigné se soulève et conquiert sa liberté. Lorsqu’on pense à quel pitoyable état il était réduit, et quel était le débordement de la cour, on est forcé d’avouer que la révolte du peuple opposée à la révolte des grands sauva l’empire. L’Assemblée nationale, par des lois sages, qu’on exécuta avec prudence, modéra un peu l’extravagance du fisc ; elle se hâta de faire une Constitution libre qui réunit dans les mains de la patrie imprescriptible les vols du fanatisme et de la superstition ; elle