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d’où il suivait que ses plaintes n’allaient jamais à l’oreille qu’elles voulaient frapper. Quand une administration était accusée par des faits de détail, on lui renvoyait la requête, et on la jugeait sur son avis. Les plus déplorables infractions à l’austérité des principes se trouvaient sanctifiées, et les pouvoirs physiquement séparés, mais confondus en effet, se liguaient sans le vouloir contre la liberté.

Je dirai en général que tous les chemins doivent être ouverts à la liberté de ceux qui obéissent, et qu’ils ne doivent point être fermés à la sagesse de ceux qui commandent. Toutes les armes possibles sont dans les mains du pouvoir exécutif, pour accabler le peuple ; celui-ci n’a point de lois, ou, pour mieux dire, de tribuns pour le défendre.

Les lois qui obstruent les canaux par où coule la liberté, et tiennent ouverts ceux par où circule la puissance, liguent les pouvoirs et forment une aristocratie exécutrice ; en vain veut-on les séparer entre eux, on ne fait que les séparer du peuple. Ce n’est point dans le gouvernement que cette précision est bonne, c’est dans la Constitution même ; tout doit agir et réagir à son gré sur un fondement inaltérable : ainsi, dans le monde physique, tout suit une loi positive, un ordre indissoluble, tout change et se reproduit par sa cause stable, et non par des accidents particuliers.

Si l’administration circule inclusivement entre les pouvoirs, qui répondra de la liberté ? Le malheureux ira-t-il crier aux portes du palais des législatures, elles-­mêmes n’ont point de lois de détails, et jugeront comme les autres. En matière d’application, les législateurs sont toujours incompétents, c’est l’esprit de la loi ; nul ne peut être frappé que d’une loi antérieure au délit ; ceux qui font des lois sont de mauvais juges. Une bonne loi vaut mieux que tous les hommes ; la passion les emporte, ou la faiblesse les retient ; tout languit, ou tout se brise à coups précipités.