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entre la législature et l’exécution ; elle se signala surtout par cette loi, qui ne permet point aux mem­bres du corps législatif de prétendre au ministère qu’après deux ans d’interrup­tion, ni d’exercer aucune magistrature, aucun office pendant leur session. Il faut que des hommes aient été bien pénétrés de la nécessité de leurs principes pour avoir, contre eux-mêmes, porté cette profonde discipline. Avouons-le ingénu­ment, ceux qui les censurent n’ont point en l’esprit de les développer ; comment les surpasseraient-ils ? Otez le ministère de l’État, vous en ôtez les rois, la monarchie n’est plus ; ce n’est point que cette institution politique n’ait eu de grands abus, mais elle n’a plus conservé qu’un pouvoir relatif. Le législateur usa peu à peu ses lois arbitraires. On établit la responsabilité qu’on ne pressa point dans les premiers temps, parce qu’on prévit qu’elle rendrait le peuple licencieux. La Constitution se raidit souvent contre le peuple, ou il l’aurait violée. Il est admirable de voir comment l’Assemblée nationale ferma l’oreille aux cris de la multitude qui demandait tantôt les comptes, tantôt le renvoi des ministres.

CHAPITRE XVI.

DES ADMINISTRATIONS

Les corps administratifs durent beaucoup leur prospérité aux heureux choix du peuple, car ils n’avaient pas par eux-mêmes de lois très positives ; ils exerçaient une inquisition suprême sur l’harmonie politique qui faisait qu’on leur déférait beaucoup de matières contentieuses qui excédaient leur compétence ; ils décidaient arbitrairement parce qu’ils n’avaient point de lois. L’appel de leurs délibérations se portait au pouvoir exécutif qui prononçait de même ; les délibérations s’instruisaient l’une par l’autre, parce qu’il n’y avait point d’enquêtes, et le ministère, suspendu entre le juge et la partie, donnait toujours raison à l’autorité, dont rien ne garantissait l’application. Il n’y avait point de compétence directe entre les peuples et les pouvoirs supérieurs,