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du souverain. Qui vous répondra de votre vie et de votre bien, me dira-t-on ? Que vous importe une force dont vous ne sentirez jamais l’empire et qui n’est que pour les méchants ? Va-t’en, lâche, à Constantinople, va vivre chez un peuple que la nature de ses lois rend scélérat, où le sceptre est un gibet ; moi je ne consens à subir aucune loi qui me suppose ingrat et corrompu.

Quelque vénération que m’impose l’autorité de J.-J. Rousseau, je ne te pardonne pas, ô grand homme, d’avoir justifié le droit de mort ; si le peuple ne peut communiquer le droit de souveraineté, comment communiquera-t-il les droits sur sa vie ? Avant de consentir à la mort il faut que le contrat consente à s’altérer, puisque le crime n’est qu’une suite de cette altération ; or, comment le contrat vient-il à se cor­rompre ? C’est par l’abus des lois qui laissent les pas­sions s’éveiller, et ouvrent la porte à l’esclavage. Armez-vous contre la corruption des lois ; si vous vous armez contre le crime, vous prenez le fait pour le droit ; je ne répéterai point ce que j’ai dit en parlant des supplices. Je ne sais si ces vérités sont sensibles sous ma plume comme je les éprouve moi-même, mais à mon sens toute force répressive n’étant qu’une digue contre la corruption ne peut être une loi sociale, puisqu’à l’instant où le contrat social est perverti, il est nul, et alors le peuple doit s’assembler et former un nouveau contrat qui le régénère.

Le traité social, dit Rousseau, a pour but la conservation des contractants ; or, on les conserve par la vertu et non par la force ; il me semble voir un malheureux qu’on tue pour le guérir.

Remarquez que lorsqu’un peuple emploie la force civile, on ne punit que les crimes maladroits, et la corde ne sert qu’à raffiner les fripons ; Rousseau, tu t’es trompé ; c’est, dis-tu, pour n’être pas victime d’un assassin que tu consens à mourir si tu le deviens, mais tu ne dois pas consentir à devenir assassin, mais tu violes la nature et l’inviolabilité du contrat, et le doute du crime suppose déjà qu’il te sera possible de t’enhardir à le commettre. Quand le crime se multiplie, il faut d’autres lois ; la contrainte ne fait que le