CHAPITRE III.
DE LA LOI SALIQUE
Marculfe appelait impie la loi qui excluait les femmes de la succession des fiefs. Cela eût été bon si les fiefs eux-mêmes n’eussent été une effroyable impiété. Il paraît que les Francs confondaient la loi salique qu’ils avaient puisée en Germanie, et qu’ils rendaient tyrannique, chez eux, une loi sage chez les Germains et chez les Goths ; l’esprit de la loi salique était perdu. Le même abus de cette loi qui attacha le trône à la ligne mâle, et érigea en fief le diadème, fut aussi l’origine des autres fiefs et de la servitude. Le roi usa du peuple comme de son bien d’hérédité, et le seigneur, de ses vassaux, comme de bêtes attachées à sa glèbe.
L’esprit de la loi salique des Germains était bien l’économie, comme l’a judicieusement observé un grand homme, mais bien plus encore un sauvage amour pour la terre natale qu’ils savaient si bien défendre, et qu’ils ne voulaient point confier à la faiblesse et à l’instabilité des filles qui changent de lit, de famille et de nom. D’ailleurs, elles retrouvaient dans la maison d’un autre ce qu’elles perdaient dans la leur, puisqu’on les prenait sans dot. Il n’est point ici question de la succession collatérale ; chez les Germains, les filles étaient préférées parce qu’elles mettaient un mâle dans la maison salique.
Nous avons vu quel ravage fit dans la France cette loi de liberté travestie, comme elle dénatura tout, fit un peuple d’animaux, couvrit la France de forts et de scélérats, rendit la religion hypocrite et fit de redoutables maisons qui passaient la vie à perdre le sang de leurs vassaux. Nous avons vu, dis-je, comme cette loi opprima le royaume, jusqu’à l’époque où, par un trait de fortune que produit le mal même, elle plaça sur le trône Henri IV qui calma un peu l’orage. La loi salique, depuis ce grand homme, fait pour la liberté, est dégénérée en loi purement civile, et enfin en simple alleu comme autrefois.