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sa véritable dignité ; quand il envia les honneurs et le maniement du trésor de la république, il s’empara de l’exécution, et perdit sa souveraineté que saisirent les tyrans.

La justice nous est rendue au nom du prince ; elle était rendue à Rome au nom du peuple ; mais comme le prince n’est point souverain, c’est une loi de simplification ; il n’en est pas moins vrai que cet attribut du prince met dans ses mains la liberté civile qui ne dépend essentiellement que du souverain ; il faut que les Romains aient eu une grande idée de ce droit de rendre la justice, puisque les procès s’expédiaient dans la place publique, et qu’on ne pouvait décréter l’arrêt de mort d’un citoyen que dans les grands États. Il fal­lait une loi, dit Montesquieu, pour imposer une peine capitale : la loi suppose une volonté souveraine ; le droit de mort appartenait donc au souverain, qui n’en abusa jamais, parce qu’il en sentait l’importance et l’atrocité. Parmi nous un tribunal prononce la peine civile ou capitale. Ô ! entrailles de la nature, nous ne vous connaissons plus, nos fonctions publiques ne sont plus que des métiers vifs et superbes ; à Rome c’étaient souvent des commissions spéciales ; on nommait un quêteur pour connaître d’un crime ou de certaines affaires ; l’affaire instruite, il n’était plus rien ; le peuple romain n’était plus l’esclave du gouvernement ; parmi nous, tout officier est un tyran.

On est surpris quand on réfléchit sur l’opinion publique des peuples : les idées les plus saines se renversent ; je ne sais ce que pourrait me répondre le plus indépendant des hommes d’aujourd’hui, à qui je demanderais compte de sa liberté.

Je suis avide de savoir quel droit civil la France recevra un jour, qui soit propre à la nature de sa liberté.

Toute loi politique qui n’est pas fondée sur la nature est mauvaise ; toute loi civile qui n’est point fondée sur la lai politique est mauvaise.

L’Assemblée nationale a fait quelques fautes : la stupidité publique l’a voulu.