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perdus, mais dans les institutions immortelles qui sont impassibles et à l’abri de la témérité des factions[1]. »

L’inflexibilité des principes révolutionnaires était chez lui la conséquence naturelle de sa vertu. Il enfermait la Révolution dans le cadre d’un plan social, qui eût réalisé la plus harmonieuse et la plus juste des Républiques. Bien qu’il eût déployé, dans la défense militaire de la patrie, un génie et un courage qui arrachaient des cris d’admiration à ses ennemis eux-mêmes, il redoutait les dangers que la force armée peut faire courir à la liberté. « Seul, il eût été assez fort pour faire trembler l’épée devant la loi », dit Michelet[2]. Rien, en effet, n’est plus vrai. « J’aime beaucoup qu’on nous annonce des victoires, disait-il dans son discours du 9 thermidor, mais je ne veux pas qu’elles deviennent des prétextes de vanité. » Une telle vanité prépare la route aux coups d’État. Saint-Just le comprenait mieux que personne, et sa sévérité à l’égard des généraux n’avait point d’autres motifs que d’abaisser impitoyablement le pouvoir militaire devant la loi civile. Il gardait le silence sur ses propres exploits, parce que les exploits militaires, même quand ils ont pour but de résister à l’invasion des tyrans, ne méritent point d’être exaltés.

Une telle vertu est trop pure et trop haute pour ne point dompter ceux qui l’approchent. Ceux qui

  1. Fragments d’Institutions républicaines, I.
  2. Histoire de la Révolution française, VII, p. 250.