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imagination se fera un préjugé de la liberté, l’illusion sera une patrie.

CHAPITRE X

DES RAPPORTS DE TOUS CES PRINCIPES

J’ai cru au premier coup d’œil, comme beaucoup d’autres, que les principes de la constitution de France, incohérents par leur nature, s’useraient par le mouvement et ne se lieraient pas ; mais quand j’ai pénétré l’esprit du législateur, j’ai vu sortir l’ordre du chaos, les éléments se séparer et créer la vie.

Le monde intelligent dans lequel une république parti­culière est comme une famille dans la république elle-même offre partout des contrastes, et quelquefois des bizarreries si marquées, qu’elles ne peuvent être qu’un bien relatif sans le grand dessein de la constitution générale, à peu près comme dans le monde physique les imperfections de détail concourent à l’harmonie universelle.

Dans le cercle étroit qu’embrasse l’âme humaine, tout lui semble déréglé comme elle, parce qu’elle voit tout détaché de son origine et de sa fin.

La liberté, l’égalité, la justice sont les principes nécessaires de ce qui n’est pas dépravé, toutes les conventions reposent sur elles comme la mer sur sa base et contre ses rivages.

On ne présumait pas que la démocratie d’un grand empire pût produire la liberté, que l’égalité pût naître de l’aristocratie, et la justice de la monarchie ; la nation a reçu ce qui lui convenait de liberté pour être souveraine ; la législation est devenue populaire par l’égalité, le monarque a conservé la puissance dont il avait besoin pour être juste. Qu’il est beau de voir comment tout a coulé dans le sein de l’État monarchique, que les législateurs ont judicieusement choisi pour être la forme d’un grand gouvernement ; la démocratie constitue, l’aristocratie fait les lois, la monarchie gouverne ! Tous les pouvoirs sont issus des principes et s’élaborent sur leur base immobile ; la liberté les a fait naître, l’égalité les maintient, la justice règle leur usage.