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Dans un gouvernement mixte, tous les pouvoirs doivent être réprimants, toute incohérence est harmonie, toute uniformité est désordre.

Il faut un œil à la liberté qui observe le législateur même, et une main qui l’arrête. Cette maxime peut être bonne, surtout dans un État où la puissance exécutive, qui ne change point, est dépositaire des lois et des principes que l’instabilité des législations pourrait ébranler.

La monarchie française, immobile au milieu de la constitution toute mouvante, n’a point d’ordres intermédiaires, mais des magistratures duennales.

Seul le ministère public est à vie, parce qu’il exerce une censure continuelle sur des offices renouvelés sans cesse : comme tout change autour de lui, les magistratures le trouvent toujours nouveau.

La monarchie, au lieu d’ordres moyens dans le peuple, par où circule la volonté suprême, a divisé son territoire en une espèce de hiérarchie qui conduit les lois de la législation au prince, de celui-ci dans les départements, de ceux-ci dans les districts, de ces derniers dans les cantons, en sorte que l’empire couvert des droits de l’homme, comme de riches moissons, présente partout la liberté près du peuple, l’égalité près du riche, la justice près du faible.

Il semble que l’harmonie morale n’est sensible qu’autant qu’elle ressemble à la régularité du monde physique. Qu’on examine la progression des eaux depuis la mer qui embrasse tout jusqu’aux ruisseaux qui baignent les prairies, et l’on a l’image d’un gouverne­ment qui fertilise toutes choses.

Tout émane de la nation, tout y revient et l’enrichit ; tout coule de la puissance législatrice, tout y retourne et s’y épure, et ce flux et reflux de la souveraineté et des lois unit et sépare les pouvoirs qui se fuient et se cherchent.

La noblesse et le clergé, qui furent le rempart de la tyrannie, ont disparu avec elle ; l’une n’est plus, l’autre n’est que ce qu’il doit être.

Dans les siècles passés, la constitution n’était que la volonté d’un seul, et la toute-puissance de plusieurs : l’esprit