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mais il ne faut pas confondre la liberté avec la qualité des élus, l’un est du ressort de la liberté, l’autre est du ressort de sa gloire, l’un est la souveraineté, l’autre est la loi.

Elle proscrit l’étranger qui ne peut aimer une patrie où il n’a point d’intérêts, l’infâme qui a déshonoré la cendre de son père en renonçant au droit de lui succéder, le débiteur insolvable qui n’a plus de patrie, l’homme qui n’a point vingt-cinq ans dont l’âme n’est point sevrée ; celui qui ne paye point le tribut relatif à l’activité, parce qu’il vit en citoyen du monde.

La censure des élections est bornée à l’examen de ces qualités ; elle s’exerce sur celui qui est élu, non point sur celui qui élit ; le choix n’est point violé par le censeur, il est examiné par la loi.

CHAPITRE VI

DE LA NATURE DE L’ARISTOCRATIE

Quelqu’un a dit que la division des classes troublait le sens de cet article des droits de l’homme : Il n’y aura d’autre différence entre les hommes que celle des vertus et des talents. On pouvait dire aussi que les vertus et les talents blessaient l’égalité naturelle, mais de même que le prix qu’on y attache est relatif à la convention sociale, de même la division des classes est relative à la convention politique.

L’égalité naturelle était blessée à Rome, où, selon Denys d’Halicarnasse, le peuple était divisé en cent quatre-vingt-treize centuries inégales, qui n’avaient chacune qu’un suffrage, quoiqu’elles fussent moins nombreuses à proportion des richesses, de l’aisance, de la médiocrité, de l’indigence.

L’égalité naturelle est conservée en France ; tous participent également de la souveraineté par la condition uni­forme du tribut qui règle le droit de suffrage ; l’inégalité n’est que dans le gouvernement, tous peuvent élire, tous ne peuvent être élus ; la classe tout à fait indigente est peu nombreuse ;