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CHAPITRE V

DES PRINCIPES DE LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE

Les démocraties anciennes n’avaient pas de lois positives ; ce fut ce qui les éleva d’abord au comble de la gloire qui s’acquiert par les armes ; mais ce fut ce qui brouilla tout enfin ; quand le peuple était assemblé, le gouvernement n’avait plus de forme absolue, tout se mouvait au gré des harangueurs ; la confusion était la liberté ; tantôt le plus habile, tantôt le plus fort l’emportait. Ce fut ainsi que le peuple de Rome dépouilla le sénat, et que les tyrans dépouillèrent le peuple d’Athènes et de Syracuse.

Le principe de la démocratie française est l’acceptation des lois et le droit de suffrage ; le mode de l’acceptation est le serment ; la perte des droits de citoyen attachée au refus de le prêter n’est point une peine, elle n’est que l’esprit du refus. Ce serment n’est qu’une pure acceptation des lois. On ne peut exiger d’elles le caractère qu’on leur refuse, qu’on leur ôte à elles-mêmes. On a dit que l’acceptation du roi ne valait rien, et qu’un jour le peuple demanderait compte des droits de l’homme et de la liberté. Mais, qu’est-ce donc que le serment que le peuple a prêté ? Sans doute une telle acceptation est plus sainte, plus libre, et plus certaine que l’acclamation des assemblées : l’acceptation dépend du roi, lui seul il est le souverain, nous sommes encore ses esclaves.

Je parlerai ailleurs de la sanction du monarque, et je démontrerai que dans un État libre, il ne peut exercer de volonté absolue, ni par conséquent éprouver de contraire.

Si le peuple refusait le serment, il faudrait supprimer la loi, car de même que le refus de serment de la moindre partie du peuple entraîne la suspension de l’activité, de même le refus de la plus grande partie du peuple entraîne l’abrogation de la loi.

Les suffrages en France sont secrets, leur publicité eût perdu la constitution ; le secret à Rome étouffa la vertu, parce que la liberté déclinait ; il eut en France un bon effet, la liberté