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Au contraire, un peuple esclave qui sort soudain de la tyrannie n’y rentre point de longtemps ; parce que la liberté a trouvé des âmes neuves, incultes, violentes, qu’elle les élève par des maximes qu’elles n’ont jamais senties, qui les transportent, et qui, quand on en a perdu l’aiguillon, laissent le cœur lâche, orgueilleux, indifférent, au lieu que l’esclavage le rendait seulement timide.

Le calme est l’âme de la tyrannie, la passion est l’âme de la liberté ; le premier est un feu qui couve, le second un feu qui se consume, l’un s’échappe au moindre mouvement, l’autre ne s’affaiblit qu’à la longue et s’éteint pour toujours ; on n’est vertueux qu’une fois.

Quand un peuple devenu libre a établi de sages lois, sa révolution est faite ; si ces lois sont propres au territoire, la révolution est durable.

La France a coalisé la démocratie, l’aristocratie, la monarchie ; la première forme l’état civil, la seconde la puissance législative, et la troisième la puissance exécutrice.

Là où il y aurait une parfaite démocratie, ce qui est la liberté outrée, point de monarchie ; là où il n’y aurait eu qu’une aristocratie, point de lois constantes ; là où le prince eût été ce qu’il était autrefois, point de liberté.

Il fallait que les pouvoirs fussent tellement modifiés que ni le peuple, ni le corps législatif, ni le monarque ne prissent un ascendant tyrannique. Il fallait un prince dans ce vaste empire ; la république ne convient qu’à un territoire étroit. Quand Rome s’agrandit, elle eut besoin de magistrats dont l’autorité fut immense.

La France s’est rapprochée de l’État populaire autant qu’elle l’a pu, et n’a pris de la monarchie que ce qu’elle ne pouvait point n’en pas prendre ; toutefois la puissance exécutrice est restée suprême, afin de ne pas brusquer l’amour des rois.

Quand Codros mourut, les bons esprits qui voulaient fonder la liberté déclarèrent Jupiter roi d’Athènes.