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Le sang-froid des communes fut pour ces deux hommes ce que le génie et la défiance de Tibère furent autrefois pour Séjan.

Je laisse à penser quelle était la période de leur ambition, si la patience ne l’eut consumée.

Les districts de Paris formaient une démocratie qui eût tout bouleversé, si au lieu d’être la proie des factieux ils se fussent conduits avec leur propre esprit. Celui des Cordeliers, qui s’était rendu le plus indépendant, fut aussi le plus persécuté par ces héros du jour, parce qu’il contrariait leurs projets.

CHAPITRE VI

DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

C’est un phénomène inouï dans le cours des événements, qu’à l’époque où tout était confus, les lois civiles sans force, le monarque abandonné, le ministère évaporé, il se soit trouvé un corps politique, faible rejeton de la monarchie confondue, qui prit en main les rênes, trembla d’abord, s’affermit, affermit tout, engloutit les partis, et fit tout trembler ; qui fut suivi dans sa poli­tique, constant au milieu des changements ; agit avec adresse en commençant avec fermeté ensuite, enfin avec vigueur, et toujours avec prudence.

Il faut voir avec quelle pénétrante sagesse l’Assemblée nationale s’est élevée, par quel art elle a dompté l’esprit public, comment, environnée de pièges, déchirée jusque dans son sein, elle a prospéré de plus en plus ; comment elle a ingénieusement enchaîné le peuple de sa liberté, l’a étroitement lié à la constitution en érigeant ses droits en maximes, et en séduisant ses passions ; comment elle a tiré des lumières et des vanités de ce temps le même parti que tira Lycurgue des mœurs du sien ; il faut voir avec quelle prévoyance elle a jeté ses principes, en sorte que le gouvernement a changé de substance et que rien n’en saurait plus arrêter la sève.

C’est vainement aussi que quelques-uns luttent contre cette prodigieuse législation qui ne pèche que dans quel­ques