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grands ; en sorte que les créances de la multitude étant hypothéquées sur les grâces de la cour, sur les fourberies des débiteurs, la tromperie allait par reproduction jusqu’au souverain, descendait ensuite du souverain jusque dans les provinces, et formait dans l’état civil une chaîne d’indignités.

Tous les besoins étaient extrêmes, impérieux, tous les moyens étaient atroces.

CHAPITRE III

DU PEUPLE ET DES FACTIONS DE PARIS

Je n’ai rien dit de quelques hommes distingués par leur naissance, parce qu’ils n’avaient d’autres vues que de satisfaire à leurs folles dépenses. La cour était une nation évaporée qui ne songeait pas, comme on l’a pré­tendu, à établir une aristocratie, mais à subvenir aux frais de ses débauches. La tyrannie existait, ils ne firent qu’en abuser. Ils épouvantèrent imprudemment tout le peuple à la fois par des mouvements de corps d’armée ; la famine s’y joignit ; elle venait de la stérilité de l’année et de l’exportation des blés. M. Necker inventa ce remède pour nourrir le Trésor public, que cet homme de finance regardait comme la patrie. La famine révolta le peuple ; la détresse mit le trouble à la cour. On crai­gnait Paris, qui chaque jour devenait plus factieux par l’audace des écrivains, l’embarras des ressources, et parce que la plupart des fortunes étaient noyées dans la fortune publique.

Ce qu’on appelait la faction d’Orléans provenait de l’envie qu’excitait à la cour l’opulence, l’économie et la popularité de cette maison. On lui soupçonnait un parti, parce qu’elle s’éloignait de Versailles. On fit tout pour la perdre, parce qu’on ne la put point apprivoiser.

La Bastille est abandonnée et prise, et le despotisme, qui n’est que l’illusion des esclaves, périt avec elle.

Le peuple n’avait point de mœurs, mais il était vif. L’amour de la liberté fut une saillie, et la faiblesse enfanta la cruauté. Je ne sache pas qu’on ait vu jamais, sinon chez