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contre la politique des tyrans, blâmer des lois fameuses et des coutumes reçues ; mais parce que j’étais jeune, il m’a semblé que j’en étais plus près de la nature.

Comme je n’ai point eu le dessein de faire une his­toire, je ne suis point entré dans certains détails sur les peuples voisins. Je n’ai parlé du droit public de l’Europe que quand ce droit public intéressait celui de la France. Je remarquerai ici toutefois que les peuples n’ont envisagé la révolution des Français que dans ses rapports avec leur change et leur commerce, et qu’ils n’ont point calculé les nouvelles forces qu’elle pourrait prendre de sa vertu.


PREMIÈRE PARTIE


CHAPITRE PREMIER

Des pressentiments de la révolution


Les révolutions sont moins un accident des armes qu’un accident des lois. Depuis plusieurs siècles la monarchie nageait dans le sang et ne se dissolvait pas. Mais il est une époque dans l’ordre politique où tout se décompose par un germe secret de consomption ; tout se déprave et dégénère ; les lois perdent leur subs­tance naturelle et languissent ; alors, si quelque peuple barbare se présente, tout cède à sa fureur, et l’État est régénéré par la conquête. S’il n’est point attaqué par les étrangers, sa corruption le dévore et le reproduit. Si le peuple a abusé de sa liberté, il tombe dans l’esclavage ; si le prince a abusé de sa puissance, le peuple est libre.

L’Europe, qui par la nature de ses rapports politiques n’a point encore de conquérant à redouter, n’éprouvera de longtemps que des révolutions civiles. Depuis quel­ques siècles la plupart des empires de ce continent ont changé de lois et le reste en changera bientôt. Après Alexandre de Macédoine et le Bas-Empire, comme il n’y avait plus de droits des gens, les nations ne changèrent que de rois.

Le nerf des lois civiles de France a maintenu la tyran­nie