Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Soissons ne fait point de sacrifices, ils sont faits, et ce serait encore un plus grand malheur de n’en profiter pas.

Son Intendance, monument de despotisme et de cruauté, servira désormais à un plus glorieux usage, semblable aux temples des idoles où l’on sacrifiait des victimes humaines, et voués ensuite au Dieu de paix par de plus pures mains.

L’Intendance de Soissons peut loger avec dignité le Département ; c’est rendre à la patrie le sang qu’on lui a tiré, c’est venger la vertu, c’est venger l’humanité et le pauvre.

Il le bénira désormais, cet asile parricide que sa sueur a bâti, et la source de son infortune deviendra celle de sa félicité.

Laon, Messieurs, semble abandonner volontiers ses casernes pour faire place au Département ; mais le Département consommera-t-il ses fourrages ? Pourquoi déplacer la fortune ? Laon a sa garnison, Soissons aurait son Département ; et pourquoi se dénatureraient-elles ? il n’est pas question de conquérir, mais de gouverner.

Soissons demande le Département ; je le demande, mais pour les pauvres de mon pays, pour lesquels Soissons a versé des sommes considérables dans le temps de sa fortune.

N’embarrassons point, Messieurs, dans des discussions métaphysiques une question aussi simple ; ne nous évaporons point en de vains sophismes, dépouillons tout ressentiment de terreur, parce que notre jugement est éternel et que nous nous repentirions à loisir d’un choix légèrement fait. Laon a ses avantages, Soissons paraît avoir les siens, et la conscience doit prononcer. N’oubliez pas, surtout, Messieurs, que les moments sont précieux pour le pauvre, que chacun de nous doit avoir apporté ici son opinion déterminée, et que, tandis que nous délibérons, les enfants de plusieurs de nos frères ici présents n’ont peut-être pas de pain et en demandent à leur mère qui pleure.

Je vote, au nom des miens, pour Soissons.

Le manuscrit de ce discours, qui existe dans les Archives du département de l’Aisne, est signé Florelle de Saint-Just, électeur de Blérancourt.