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Dans sa racine ébranlèrent la tour.
Rassasié de gloire et de carnage,
Antoine Organt, morne sur le rivage,
Laissait flotter les rênes de sa main,
Et de Paris regagnait le chemin.
Les champs étaient jonchés d’armes brisées,
De braquemarts, de lances fracassées ;
Alains, Gaulois, tout à l’heure orgueilleux,
Et maintenant dans la nuit éternelle,
Chefs et Soldats, le Chrétien, l’Infidèle
Mêlent un sang l’un à l’autre odieux.
Là des guerriers expirés dans la rage,
En se roulant sur un trait inhumain ;
Là dans le sang le Ciel peint son image.
Le malheureux et sage Vitikin,
En recueillant le débris déplorable
De ce revers, s’écriait : Justes Dieux,
Qui protégez l’impie audacieur,
Ah ! vengez-vous ; et rendez-moi coupable !

Tels on a vu L…… et B……,
Påles d’opprobre et brillans de forfaits,
D’un souffle immonde obscurcir l’innocence.
Et sur un front de remords sillonné,
Faire admirer la tranquille arrogance
Du crime heureux, du crime couronné.
Tel un D……, que l’ongle des harpies
Tira jadis du ventre des furies,
Doux scélérat, hypocrite effronté,
Blanchi par l’or et par l’iniquité,
Tranquillement égorge sa victime,
Boit l’adultère, et savoure le crime ;
Tandis qu’on voit la timide vertu,
L’âme saignée et le front abattu,
Subir du Ciel l’injustice suprême,
Du Ciel ingrat qui se trahit lui-même.
L’ombre déjà, si douce aux malheureux,
Couvrait les champs d’un crêpe ténébreux.
Le Roi Charlot passa la nuit à boire,