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« M’amena fors en votre hôtellerie,
Ayant perdu son baudet, emporté
« D’un ouragan par l’Enfer excité.
« Épris pour vous d’une vive tendresse,
« De mon malheur je payais ma faiblesse,
« Comme ce Roi des Babyloniens.
« (Apparemment vous connaissez la Bible).
« Je me flattais que vous seriez sensible,
« Et que vos yeux devineraient les miens.
« En vain du Ciel la vengeance suprème
« Maudit la France au nom de mon forfait ;
« En vous voyant j’oubliais l’anathème.
« Vous êtes belle, et j’étais un baudet.
« Vous rougissez ! Vous souvient-il encore
« De la forêt où nous avons passé
« Un temps si doux, et si-tôt éclipsé ?
« Jusqu’au moment où la riante Aurore,
« De feux naissants pénétrait la cloison,
« Entrelacés, dans un tendre abandon,
« D’une sensible et vigoureuse étreinte,
« Contre mon cœur j’étouffais votre plainte :
« Je soupirais, et vous n’entendiez pas
« De mon respect les soupirs délicats.
« Enfin marri des revers de la France,
« Et rebuté par votre indifférence.
« Mon cœur sentit la pince du remord.
« Et de la chair étouffant le murmure,
« De pleurs amers a lavé sa luxure.
« Mais je ne puis oublier qu’à la mort,
« Et la forêt, et l’émotion douce
« Que vos beaux yeux allumaient dans mes sens
« Votre tristesse et vos épanchemens.
« Vous rougissez, votre bras me repousse.
« Oh ! juste ciel ! inutile regret !
« Sanglots, baisers. et nuits de la forêt !
« Ô douce erreur ! ô charmante cabane ! »
Comme il parlait, Turpin redevint âne
Et les accens de son timide amour,