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Parragaron, transporté de colère,
Comme l’oiseau qui dispute son aire,
Près de son Roi combattait vaillamment,
Et disputait de son bras redoutable,
À l’ennemi sa dépouille honorable.
Trente Gaulois par sa main renversés,
Mordaient la poudre, à ses pieds terrassés ;
Il se battait entouré de carnage.
Mais quand il vit les siens de tous côtés
Tourner la bride et fuir épouvantés,
Avec l’espoir il perdit le courage ;
Il s’avança vers le comte de Bloi.
« Parragaron, dit-il, se rend à toi ;
« Prends soin d’Hirem, et reçois cette épée
« Qui de ton sang aurait été trempée,
« Si ta vertu n’était digne de moi,
« Et si ta mort eut pu sauver mon Roi. »
De Nice alors l’âne se mit à braire,
Et de sa voix l’effroyable tonnerre
Fit retentir, du sommet de la tour,
Tous les échos des vallons d’alentour.
Tels on verra, quand le Maître du monde
D’un pied d’airain brisera l’Univers.
Les morts tremblans quitter la poudre immonde.
Au bruit des Saints qui brairont dans les airs.
Nice disait : Monseigneur, ne suis Grecque,
Point ne savais mon âne être Archevêque.

Car on saura qu’après cette chanson,
D’âne en Prélat fut mué le grison.
Nicette alors, honteuse, se rappelle.
Et la cabane, et l’erreur criminelle,
Qui dans ses bras autrefois adressait,
Au lieu d’un âne, un Prélat qui pensait.
Elle rougit à l’image tracée
Dans son esprit de mainte autre pensée.
« Je suis Turpin, riposta l’oing de Dieu ;
« Satan me fit semblable départie,
« Et l’Aumônier d’Antoine mon neveu