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Qui séparait le Franc et l’Infidèle,
S’est réuni par un choc foudroyant,
Et corps à corps on se croise, on se mêle.
La rage heurte et brise avec fracas
L’un contre l’autre angons et coutelas ;
De traits légers une épaisse volée
Se croise en l’air, tombe sur la mêlée,
Et le Soldat, furieux, inhumain,
Voit le trépas qui pleut d’un ciel d’airain.
De juremens les échos retentissent ;
En se cabrant, les palefrois hennissent,
Qui sur le dos renversé tout entier,
Avec la bride entraîne son coursier ;
Qui d’une lance atteint à la visière,
De pleurs de sang va rougir la poussière.
Les bras croisés, raccourcis, et tendus,
De coups divers se frappent, confondus,
Et la Folie, au milieu d’un nuage,
En souriant, reconnaît son ouvrage,
Et de son foudre ébranle le rivage.
Antoine Organt sur son char attelé
Du palefroi dans la Lune volé,
Tout fier de vaincre aux yeux de sa maîtresse,
Moins par courage encor que par faiblesse,
La lance au poing, parmi les bataillons
Trace en courant d’effroyables sillons.
L’essieu gémit dans sa course rapide,
Et devant lui, comme un troupeau timide,
Les escadrons que la peur précipite,
Foin de l’honneur, le cherchent dans la fuite.
La fière Hélène attaque Ferragon ;
Le vieux Nemours, triomphant de son âge,
Ranime encore un bras fait au carnage ;
Sur la poussière il étend Guibyon,
À Néridan enlève l’aiguillette,
Tranche à Murdin la moitié de la tête,
Couvre d’éclairs le casque d’Ydamant,
Qui, transporté d’amour et de furie,