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Et de terreur environnent la place.
Oh ! Saint-Denis, que fais-tu dans ce jour,
Loin de la France et loin de ton faubourg ?
Vois tes glacis inondés de carnage ;
La grace a-t-elle enivré ton courage ?
De Chevaliers un redoutable essaim
Borde Paris d’une forêt d’airain.
Contre le mur les échelles dressées,
Avec fracas sont soudain renversées ;
Un coup de sabre atteint les plus bardis,
Le dard au loin frappe un lâche surpris ;
Les yeux sanglans étincellent de rage,
Et la Discorde applaudit au carnage.
Grimpés en l’air, luttant avec effort
Contre le fer qui leur porte la mort,
Froissés, meurtris sous le poids l’un de l’autre,
Groupe tremblant, et digne de Lepautre,
Criant, jurant, accroupis, redressés,
Tantôt roulant, et soudain remplacés,
Et les Gaulois, et les fiers Infidèles
Tombaient, montaient, combattaient pêle-mêle
On en voyait sur le mur suspendus,
Se colleter, et rouler confondus.
On se mesure, on s’atteint, on s’empoigne,
Et furieux, sans parler, on se cogne.
Mais tout à coup, grand tumulte dans l’air :
On voit paraître une effroyable nue.
Et le ciel bleu se dérobe à la vue.
L’objet approche, on croit voir Lucifer
Et ses Démons échappés de l’Enfer
C’était l’armée en nouvelle fortune,
Qui revenait des plaines de la Lune.
Les Francs étaient burlesquement perchés
Sur ne sais quoi, fantômes mal léchés,
Spectres divers, qu’on appelait Sottises,
Projets brillans, et creuses entreprises.
Monstres éclos de ce pays de dam,
En colonie envoyés à Saint-Jean.