Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mort est une dette, il vaut mieux payer en homme libre que de chicaner inutilement en esclave.

« Je fus l’ami du conspirateur Saint-Just. Voilà done mon acte d’accusation, mon brevet de mort, et le titre glorieux qui m’a mérité une place sur vos échafauds. Oui, je fus l’ami de Saint-Just. Mais Saint-Just ne fut point un conspirateur ; et, s’il l’avait été, il serait puissant encore et vous n’existeriez plus. Ah ! son crime, s’il en a commis, c’est de n’avoir pas formé une conjuration sainte contre ceux qui conjuraient la ruine de la liberté.

« Ô mon ami ! à l’instant où le malheur t’accablait, je n’ai consenti à conserver la vie que pour plaider un jour les intérêts de ta gloire, et pour détruire les calomnies qui sont comme les morsures des vautours acharnés sur ton cadavre. Je me suis rappelé Blossius de Cumes, qui avoue hautement devant le sénat romain son amitié pour Tibérius Gracchus, que le sénat romain vient d’assassiner. Et moi aussi, je suis digne d’offrir au monde un pareil exemple.

« Cher Saint-Just, si je dois échapper aux proscriptions qui ensanglantent ma patrie, je pourrai dérouler un jour ta vie entière aux yeux de la France et de la postérité, qui fixeront des regards attendris sur la tombe d’un jeune républicain immolé par les factions. Je forcerai à l’admiration ceux mêmes qui t’auront méconnu, et au silence et à l’opprobre tes calomniateurs et les assassins.

« Je dirai quel fut ton courage à lutter contre les abus, avant l’époque même où on put croire qu’il