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« Ils avaient l’air des gens de Charlemagne.
« En m’avançant, je reconnus Hidier,
« Et Rocambo, votre ancien Écuyer.
« J’appris de lui que ma bonne fortune
« M’avait conduit ; devinez ? Dans la Lune.
« Il me montra, sur les côteaux voisins.
« Un beau châtel, où Monsieur Saint-Antoine.
« Dans ce pays vivant comme un Chanoine,
« Avait reçu les Gaulois Paladins.
« On me conta qu’Astolphe d’Italie
« Était venu, d’un courage nouveau,
« Retrouver là le bon sens de Renaud.
« D’avoir le mien il me prit fantaisie,
« Et je m’en fus au palais de Saint-Jean.
« Ce beau palais est un moulin à vent.
« Sur des hauteurs où reposent les nues,
« On voit rouler ses ailes étendues,
« Et l’on entend sonner dans le lointain
« Le cliquetis du céleste moulin.
« Saint-Jean, perché sur son Apocalypse,
« Fait chaque jour le tour de l’Univers,
« Pour recueillir le bon sens qui s’éclipse,
« Évaporé de nos cerveaux divers.
« Le saint Chimiste en ôte la sottise,
« Le moud, l’épure, et le naturalise.
« Souventes fois il ne reste plus rien
« Dans le tamis. Le saint Pharmacopole
« Vous met après ce rien dans une fiole.
« Laquelle il range avec les noms écrits,
« Prêtres, Guerriers, époux, amans, amis.
« C’est là que vont ces chimères nourries
« De la vapeur des humaines folies,
« De l’insensé qui cherche le bonheur,
« Du Conquérant que sa fortune enivre,
« De ce Savant qui pâlit sur un livre :
« Mais on n’y voit celle d’aucun buveur.
« Arrivé là, je découvre une plaine
« Où voltigeait une foule incertaine