Racontez-nous, s’il vous plaît, votre histoire
De point en point, mais sans mentir ; pourtant,
Si n’aimez mieux et vous gaudir et boire.
Champagne dit : « Oh ! le hasard est grand.
« Il vous souvient qu’un jour, dans un couvent,
« Du haut du Ciel il descendit un âne,
« Et que, bâté de votre cul profane,
« Il vous porta devers le firmament.
« Vous conterez aussi votre aventure.
« Quelques instants je vous suivis des yeux ;
« Mais un nuage ayant blanchi les cieux,
« Je vous perdis, et prenant ma monture,
« Je pique, pars, et vous fais mes adieux.
« Moins chatouilleux de lauriers et de guerre.
« Qu’embarrassé de ne savoir que faire,
« Je m’en revins au camp le lendemain
« L’on fut surpris de me revoir sans maître ;
« L’on me parla de votre oncle Turpin :
« Je répondis, et je mentis peut-être,
« Qu’aiguillonné par le double souci,
« Et du destin et d’un oncle ravi,
« Le noble espoir de venger cet outrage
« Vous avait fait parcourir maint rivage ;
« Que vous aviez poursuivi Galifrin,
« Noir ravisseur de l’Évêque Turpin,
« Dans son palais au haut du mont Caucase.
« Dans tous les yeux, je lisais mon extase ;
« Ces beaux discours émerveillaient Charlot ;
« L’un vous vantait, l’autre vous trouvait sot.
« Moi, je riais. Je ris bien davantage
« Six jours après. Tout à coup j’entendis
« Un bruit affreux s’élever du rivage ;
« Le verre en main, de table je sortis.
« Saisi d’effroi, criant aux ennemis,
« Je m’affourchai sur ma monture grise.
« Mais, juste ciel ! quelle fut ma surprise,
« Lorsque je vis les Francs ensorcelés,
« Criant, dansant en cercles redoublés.
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