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En mille éclats s’échapper son épée.
Son ennemi prend la sienne à deux mains,
Lève les bras, la couche sur ses reins,
Et la ramène avec une furie
Dont le Gaulois, désarmé, confondu,
Certainement eut été pourfendu
Jusqu’à l’endroit des sources de la vie,
S’il ne se fut détourné de côté.
Notre Saxon, par l’effort emporté.
Va se froisser et rouler sur la poudre.
Avec le bruit d’un chène ou de la foudre.
Le Franc adroit courut sur son rival,
Appesanti par le coup sur l’arène.
En lui criant : Tu mourras, déloyal !
Son bras nerveux le désarma sans peine,
Et menaçait son cœur épouvanté.
« Va, lui dit-il, je pardonne à la haine
« Le sentiment de la déloyauté ;
« Mets à profit ma générosité.
« Je suis Gaulois, et bien que tu publie.
« Chéris mon Dieu, car tu lui dois la vie. »
Sire Agramaure, avec son fer pointu,
De son rival ayant trompé l’écu.
Fit rejaillir auréole profane
Du fin acier qui lui couvre le crane.
Le Brave alors, oubliant sa valeur,
Le Roi, le Ciel, et la France, et l’honneur,
S’échappe, vole au travers des cohortes,
Et de Paris gagne soudain les portes.
À son secours Balourdise vola,
Et d’un nuage elle l’enveloppa.
Conteur exact, il faut que je vous dise
Succinctement que dame Balourdise
Avait déjà délaissé les Saxons,
Peuple rebelle à ses doctes leçons,
Et que l’instinct de sa vieille tendresse
Avait changé sa fureur en faiblesse.
Elle disait à Pépin éperdu :