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« Sont-ce vos Dieux que vous voulez répandre ?
« Ils en avaient de justes et d’humains,
« Les vôtres sont de lâches assassins.
« S’ils étaient bons, on les verrait s’étendre
« Sans le secours de vos profanes mains.
« Mais loin de moi ce coupable artifice.
« Le nom du Ciel, écrit sur vos drapeaux,
« Voile en effet une lâche avarice.
« Vous a-t-on vus, magnanimes Héros.
« Avec bonté consoler vos conquêtes,
« Et soulager de vos prodigues mains
« Ceux que leurs coups avaient faits orphelins !
« Il s’en faut bien, barbares que vous êtes !
« Le sang, les pleurs, l’or et les cruautés.
« Voilà les Dieux pour qui vous combattez.
« Le glaive en main, vous donnez le baptême,
« Et l’avarice est votre loi suprême.
« Lâches, tremblez, et sachez seulement
« Que vos fureurs nous ont laissé du sang.
« Dans la vertu l’audace se ranime,
« Et la faiblesse est compagne du crime.
« Nous espérons que vous serez vaincus,
« Ou par les Dieux, ou bien par nos vertus. »
Je n’entends rien à tout cela, beau sire,
Dit Ferragon qui ne savait pas lire.
Mais tenez-vous ferme sur l’étrier,
Et ma réponse est au bout de l’acier.
Au même instant, un Héraut qui s’avance,
Sonne du cor, et la troupe s’élance.
La terre fuit sous le coursier ruant,
Et nos Guerriers, les lances en avant,
Du même élan de leur course rapide,
Se sont frappés dans un choc intrépide.
Deux palefrois, par le coup repoussés,
Se sont cabrés à demi renversés ;
C’était celui du farouche Agramaure,
Et de Pépin qui respirait encore ;
Talbin trompé chancela sur l’arçon,