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D’une superbe et trop pesante armure.
Voici venir l’orgueilleux Ferragon
Sur un coursier, dépouille d’un Saxon.
Il tient en main une lance pesante,
Qu’il enleva de celle d’Alicante,
Preux Chevalier qu’il coucha sur le dos,
Dans un combat contre les Ostrogots.
Sa tête altière était enveloppée
D’un casque dur, froissé de coups d’épée.
Pour mon Pépin, fier de se signaler,
Impatient, il fait caracoller
Un beau coursier qui hennit, se rengorge,
Tout frais venu du pays de Saint-George,
Et dans Paris fait la poudre voler.
Le long Talbin et le large Agramaure
Devant les murs ont devancé l’aurore ;
Les ennemis, dans la plaine étendus,
Pour admirer les vaillants coups de lance,
Le casque haut, menacent en silence
Nos Paladins et nos Bourgeois cocus,
Et nos tendrons sur les murs accourus.
Un gros nuage arrivait dans la plaine ;
C’était Pépin et Monsieur Ferragon,
Qui s’avançaient au grand trot vers l’arène.
Pépin tremblait et flottait sur l’arçon ;
Et composant sa fière contenance.
Mourait de peur, et criait : Vive France !
Lorsque le sort, aux deux bouts du champ clos,
L’un devant l’autre eut posté les Héros,
Talbin alors, d’un air simple et sauvage,
Tint aux Gaulois ce farouche langage.
« Le peuple Alain vous demande raison,
« Au nom des Dieux et du peuple Saxon.
« Eh ! de quel droit prétendez-vous soumettre
« Un peuple libre, un peuple né pour l’être,
« Un peuple juste, et plus que vous peut-être ?
« Est-ce l’espoir d’agrandir vos États
« Qui vous a fait dévaster leurs climats ?