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En l’appelant, il la rend à la vie.
Sein contre sein, ils se tiennent pressés.
Mais, dit Organt, ma Belle, je vous prie,
Est-ce un fantôme ou vous qui m’embrassez ?
Oui, c’est bien elle ; oui, c’est Nice elle-même,
Que plus n’aimez, et qui toujours vous aime.
Nice
, en riant, raconta ses malheurs ;
Une par une, elle compta ses pleurs,
Et puis finit par la naïve histoire
De l’aumônier et celle du grimoire.
Oh ! qu’un cœur tendre au moment du retour,
Sait bien payer les ennuis de l’absence !
Récits divers, épanchemens d’amour,
Larmes, baisers, enfin tout ce qu’on pense.
Nos deux amans, ivres de se revoir,
L’aube trouvaient trop voisine du soir.
Le toit fumeux de leur hôtellerie
Avait pour eux le lustre des palais,
Hors que la peur, les soucis et l’envie,
Hors que l’ennui n’en approchaient jamais.
Au sein de Nice, Organt encore oublie
L’oncle Turpin, ses armes, les combats,
Et laisse en paix rouiller son coutelas.


CHANT XIX

ARGUMENT

Du terrible combat des quatres Chevaliers Ferragon, Talbin, Agramaure et Pépin ; de l’arrivée de Champagne du pays de Saint-Jean ; de la peinture qu’il fait de ce pays à son maître Organt ; nouvelle visite de l’Ange gardien.


Le cœur de l’homme est l’énigme du Sphinx ;
Si l’on pouvait avec les yeux du Linx,
De ses replis éclairer la souplesse,
L’œil étonné, de maints hauts faits vantés
Démêlerait les ressorts effrontés
Dont un prestige a fardé la bassesse.