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Que tout va bien, quand le Diable s’en mêle !
Le Démon, preste, en Sicile vola ;
Antoine Organt en effet était là
Qui s’amusait aux tetons d’Isabelle.
Entre ses bras il prit le Chevalier
Si doucement, que, sans le réveiller,
Il l’apporta devers l’hôtellerie,
Et l’étendit près de Nice assoupie,
Sans bruit aucun. Soudain l’Esprit impur
Adroitement vous prit l’Aumônier dur,
Sur des pavots dans son char il le gîte,
Comme un soldat qui dort en sa guérite,
Étrille, panse, attelle les mulets.
Adieu le Moine, adieu tous ses projets.
Que l’on peindrait trois plaisantes surprises !
Le Moine en l’air s’éveillant en sursaut,
Cherchant Nicette, et préparant l’assaut ;
Antoine Organt, dans ses tendres méprises.
Croyant tenir la maîtresse du soir ;
Nice prenant Organt pour l’homme noir.
L’ombre s’enfuit, le jour naît, le coq chante ;
Le Paladin, éveillé par l’amour,
Étend un bras et presse son amante.
Nice lui dit : Il n’est pas encor jour,
George ; dormez, quel Démon vous réveille ?
George, ce mot mit la puce à l’oreille
Au Chevalier. Nous sommes trois cocus,
Répondit-il. Ne vous souvient-il plus
Que cette nuit Antoine Organt est vôtre ?
Une autre fois vous ferez fête à l’autre.
Mais terminons ceci loyalement.
À ce discours, Nicette confondue
Se précipite aux bras de son amant,
Jette un soupir, et perd le sentiment.
Organt frappé n’ose en croire sa vue ;
Il s’aperçoit qu’il n’est plus chez Vulcain,
Présente à Nice un baiser incertain.
Et reconnaît enfin sa tendre amie.