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Et ses soupirs font trembler le désert.
Parfois la nuit, étendu près de Nice,
D’un pied noueux il lui presse la cuisse ;
Sur lui Nicette abandonnait un bras,
Le caressait, l’appelait son cher âne ;
Peut-être bien ils ne s’entendaient pas.
Nice quittait à l’aube la cabane,
Prenait le froc, montait sur le baudet,
Et s’avançait au bord de la forêt.
Chemin faisant, sa voix plaintive et tendre,
Le nom d’Organt aux bois faisait entendre.
L’ombre fuyait, et le soleil naissant,
De perles d’or émaillait l’orient.
Or, bonnes gens, vous éprouvez peut-être.
Tout comme moi, qu’amour, en ce moment,
De nos désirs éveille le salpêtre,
Et nous excite à l’amoureux penchant.
Une fillette en sa couche seulette,
En s’éveillant, soupire, étend un bras,
Va promenant l’autre sur ses appas ;
À droite, à gauche une jambe elle jette ;
Son cœur qui bat, agite son beau sein ;
Elle soupire, et sa vue inquiète
Cherche Guillot qui s’est levé matin.
Par sa douleur Nicette réveillée,
Au coin du bois était assise alors,
En Moine noir, comme on sait, habillée.
Vient à passer une Nonnette fors
À l’œil frippon, à la guimpe arrondie,
Au pied alerte, à la mine fleurie,
Qui, du plus loin que le Moine elle vit,
Ou bien crut voir, le Diable au cœur sentit ;
Sa joue, et fraîche, et vermeille, et tremblante,
Se velouta d’un tendre vermillon.
Moins ronde était, et moins appétissante
La pomme qu’Ève un beau matin, dit-on,
Vint présenter à son époux glouton.
Adam mangea la pomme, et se fit fête