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tés. On veut l’interroger, on veut lui arracher des aveux atroces et de làches mensonges qui puissent flétrir la mémoire de son ami. Mais lui, s’adressant avec courage à ceux qui venaient de proscrire leurs collègues et de sacrifier leur patrie : « Vous avez beau, leur dit-il, vouloir me flatter ou me menacer, la crainte ni l’espérance ne changeront point mon cœur, et je ne trahirai point l’amitié ni la vérité ; mais je vivrai pour les venger. »

« On le retient au comité sous prétexte de l’interroger encore.

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« De retour dans son cachot, il meurt en proie aux plus horribles tourmens.

« J’avais été le témoin de sa douloureuse agonie, et j’attendis quelque temps en silence pour savoir quel serait mon sort. Mais enfin, las de la vie et spectateur forcé de tous les crimes qui pesaient sur mon pays, je résolus d’obtenir un terme à mes souffrances. J’écrivis au gouvernement, qu’une loi ordonnait de mettre en liberté ou en jugement les détenus ; qu’une autre les autorisait à réclamer les motifs de leur arrestation ; et je demandai qu’on me fit jouir du bienfait de ces lois. Peu de jours après, je reçus un écrit où il n’y avait que ces mots : Ami du conspirateur Saint-Just.

« Tel est donc mon crime ! m’écriai-je. Eh bien ! tyrans, vous croyez me réduire à descendre à une justification, vous espérez que je serai capable de désavouer un homme que j’aimais. Mais il est des lignes qui seront immortelles ; je les confie à des