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Le malheur cesse alors qu’il le découvre ;
Avec son cœur une main pleine s’ouvre.
Son vieux châtel semblait un cabaret,
Sur un tonneau la justice il rendait,
Et l’équité, toujours épanouie,
Souffrait bien moins de cette bonhomie,
Que du sang-froid d’un Juge grimacier
Qui fait des lois un sordide métier.
Ce Prince enfin, des Princes le modèle,
En Épicure habillait Marc-Aurèle.
Assez souvent, dans ses lares badins,
Il s’égayait des préjugés voisins,
Mais sans gronder toutefois ; le bon sire
Point ne grondait et ne savait que rire.
Un jour que, plein de bachiques vapeurs,
Sa main prodigue épandait ses faveurs,
De sa honté l’ivresse impétueuse
Lui fit trouver une saillie heureuse.
De ses mulets il fit des Conseillers,
Et de ses chats autant de Financiers.
Il ne fut point jusqu’à son singe Étienne
Qui ne tâtât de cette heureuse veine ;
Au singe donc il fit expédier
Brevet d’honneur par Maître Jean Chartier,
Et lui ceignit l’ordre chevaleresque.
L’autre, endossant sa noblesse burlesque,
Le casque haut, de fer empaqueté,
Se pavana par toute la cité.
Il affourcha sur une blanche mule
Sa dignité gravement ridicule.
Tous les passans s’écriaient : Voyez donc
Des Chevaliers le plus sot qui fût onc !
D’autres vantaient ses talens, son génie
Pour plaire au Roi qui bernait leur folie.
Il ne manquait à notre Paladin
Que la parole ; un ami de Merlin
La lui donna. Le vénérable sire
Ne cessa plus de vanter sa vertu,