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Indifférens, ils suivent les vaisseaux
Qu’un vent du nord balance sur les eaux.
L’onde, du temps vaste et mobile image,
Fait naitre en eux quelques réflexions.
Linde disait : « Faut-il que nous mourions ?
« Ah ! quelle main, cher amant, la première,
« De l’un de nous fermera la paupière !
« Sera-ce toi qu’un funeste destin
« Arrachera le premier à mon sein ?
« Mais si tes mains doivent creuser ma tombe
« (Sous ce tableau ma faiblesse succombe),
« Quand tu mourras, qui viendra sur ces bords
« Avec mon ombre ensevelir ton corps » ?
L’espoir riant d’une longue vieillesse
Venait bientôt rassurer leur tendresse.
L’aspect de l’onde et le prix des beaux ans
Les ramenaient à leurs embrassemens.
Alinde un jour aperçut du rivage
Certain navire isolé sur les mers,
Qui paraissait les débris d’un naufrage.
Un vent fougueux, répandu dans les airs,
Soulevait l’onde, et la nef agitée
Cherche un abri vers cette isle écartée.
Linde aussi-tôt vole vers son amant ;
Bientôt après une incertaine attente,
Trois Chevaliers s’avancent lentement,
Accompagnés d’une Beauté touchante,
De qui le sein soutenait un enfant.
Sornit s’avance, et retrouve Enguérand.
Ô mon compère, ô mon compagnon d’armes !
C’est vous !
dit-il en lui serrant la main.
Les Chevaliers mêlent de tendres larmes.
Guise, du monde admire le destin :
Monsieur de Blois et sa sœur attendrie,
En cheminant, pleurent de bonhomie.
Linde se mêle à leur épanchement.
Mais revolons devers Antoine Organt ;
Je l’ai laissé, si j’ai bonne mémoire,