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Tenant en main un livre de Sibylle.
Ce fut alors que Sornit arriva ;
Maître Frocard ne l’attendait point là.
Le Héros prend la bague de sa mie.
Cogne l’Hermite, et brave sa furie ;
Ses bras nerveux le portent sur un roc,
Et l’onde avide engloutit l’homme à froc.
Toujours heureux, et jamais las de l’être,
Chéri d’un cœur dont il était le maître,
Mourant d’amour sur un sein plein d’appas,
Dans le torrent d’une ivresse profonde,
Sornit dès lors oublia les combats,
Et ne vit plus désormais dans le monde
Que deux tetons qu’il ne partageait pas.
Dans les transports de son âme ravie.
Il s’écriait « Mon éternelle mie,
« Mon univers et ma divinité,
« Toi seule au monde es la félicitė ;
« Mon cœur, ma vie expire sur ces rives.
« Ah ! profitons des heures fugitives ;
« Mon tendre cœur regrette les momens
« Qu’il a perdus dans les combats sanglans.
« Je poursuivais la gloire et la fortune : *
« Fortune ! Linde, ah ! n’en es-tu pas une ?

  • Est-il un bien comparable à ton cœur ?

« Qu’est-ce qu’un trône où n’est pas le bonheur ? »
Un doux baiser, une étreinte brûlante,
De ce langage entrecoupait le cours.
Le Paladin ainsi coulait ses jours.
Le jour trop long, et l’aurore trop lente,
De leurs plaisirs aiguillonnaient l’attente ;
Dès l’aube pâle ils s’en vont quelquefois,
L’arc à la main, épouvanter les bois.
L’enfant malin se met de la partie,
Dans le taillis sa flèche les épie.
Les faons légers échappent aux chasseurs ;
L’amour adroit ne manque pas les cœurs.
Une autre fois, assis sur le rivage,