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« De te payer de cette loyauté.
« Notre inconnu, d’une démarche altière,
« En l’embrassant, vole dans la carrière.
« Il s’arrêta vis-à-vis son rival,
« En attendant qu’on donnât le signal.
« On admirait l’amitié généreuse
« Qui l’engageait sur l’arêne douteuse.
« Le vœu du peuple était pour sa vertu ;
« Mais les destins l’auront-ils entendu ?
« Autour de lui sa redoutable armure,
« De tout le cirque attache les regards.
« Le fer était son unique parure,
« Et sur son casque on voit deux léopards
« Entrelacés, la gueule haletante,
« Les yeux ardens, et la langue sanglante ;
« Ils sillonnaient d’un ongle recourbé
« Leur flanc étroit, entr’ouvert, déchiré.
« Iramin dit : Ton espérance est vaine,
« Si tu prétends, par ce dehors trompeur,
« Troubler mon âme et glacer ma valeur.
« La main fait tout, attends tout de la tienne.
« Si ta vertu ne surpasse la mienne,
« Ces monstres froids ne garantiront pas
« Iman d’opprobre, et ton sein du trépas.
« Mais l’Inconnu, que son calme abandonne,
« Pour sa réponse, ordonne le signal.
« Un cri s’élève, et la trompette sonne ;
« Les deux rivaux ont poussé leur cheval.
« Dans cette courte et redoutable attente,
« L’on est saisi de crainte et d’épouvante.
« Le premier coup allait faire juger
« Pour qui serait la gloire et le danger.
« Les Chevaliers fougueux s’entrechoquèrent,
« Et sur la selle immobiles restèrent.
« Leur lance vole en éclats foudroyés,
« Et les chevaux se cabrent effrayés.
« Mais Iramin lève un fer redoutable,
« Et le ramène avec tant de vigueur,