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« Croit honorer le Ciel par sa fureur,
« Bientôt peut-être, au fond du précipice,
« De tant de maux expiera l’injustice ;
« Quelque vengeur envoyé par les Dieux,
« Les lavera de ses crimes heureux ;
« Son orgueilleuse et tranquille opulence,
« Des Dieux trop lents accuse la vengeance.
« Quitte ees bords, viens venger mes revers ;
« Ils sont les tiens, si tu hais les pervers.
« Vous m’entendez, Dieux dont la main trop sage
« Tarde à frapper un brigand qui l’outrage !
« Veux-tu connaître enfin nos ennemis ?
« Par la fortune ils sont tous amollis ;
« Le plus beau sang de leur Chevalerie,
« Depuis quinze ans ne cesse de couler ;
« Notre vertu, l’amour de la patrie,
« À prix de sang leur a fait acheter
« Le vain honneur de vouloir nous dompter.
« Mais les revers n’ont jamais pu m’abattre ;
« J’ai ma vertu. mon courage, les Dieux ;
« J’ai des soldats, et les tiens, si tu veux. »
« Ils sont à toi, lui répondit Érâtre,
« Comme aux Français, s’ils étaient vertueux.
« Si mon armée a noyé ces rivages,
« N’en accusez ni mon ambition,
« Ni l’intérêt, ni l’amour des ravages :
« Je suis armé par une trahison,
« Et je repousse outrages par outrages.
« Vous êtes père, et je devrais, Seigneur,
« Vous épargner un récit plein d’horreur.
« J’avais un fils ; un fils ! et j’étais père !
« Et je n’ai plus qu’un vautour sur la terre.
« J’avais vaincu le tyran Halays,
« Et sa défaite au trône d’Ionie
« Fit remonter la Princesse Élémie.
« Iman (voilà, pour charmer mes ennuis,
« Ce que la mort m’a laissé de mon fils,
« C’était le nom qu’il portait sur la terre,