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De sang perdu noyait toujours la plaine.
Hirem attend, pour présenter l’assaut,
De tous côtés un corps de troupes Goth.
Les assiégés préparent leurs défenses ;
La Crainte pâle a chassé les Amours ;
Les murs épais sont hérissés de lances.
Sur le sommet des menaçantes tours,
On voit de loin les heaumes des gens d’armes,
Les mouvemens, et le poli des armes.
Mille tendrons, habillés en Housards,
Le sein meurtri par l’acier qui les barde,
Le cu froissé par de rudes cuissards,
Jusques au jour s’en vont monter la garde
Chez le soldat posté sur les remparts.
On voit par-tout balistes, catapultes,
Pour repousser et porter les insultes,
Fossés, glacis, où, se moquant du sort,
Le soldat f…… en attendant la mort.
La nuit fuyait : l’aube aux portes du monde,
Pâle sortait de l’écume de l’onde,
Quand Vitikin et ses fiers compagnons
Virent flotter les alains pavillons.
Ils s’avançaient, et leur course rapide
Laisse un sillon sur la fougère humide.
Dans le lointain le ramier roucoulait,
Et dans le camp la Discorde dormait ;
Bientôt après, la trompette sonore
Vint annoncer les combats et l’aurore.
Le Roi de Saxe arrive dans le camp.
Érâtre Hirem le reçut bonnement
Sous un platane aussi vieux que la terre.
Là des Pasteurs, en des jours plus sereins,
Venaient chanter l’amour et ses larcins ;
Et des brigands tenaient conseil de guerre
Sous ces rameaux où des chiffres noueux,
Des premiers cœurs éternisaient les feux.
L’on s’attendrit en voyant ces branchages
Victorieux de la foudre et des âges.