Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/189

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Et trouble ainsi son auguste silence :
« Grand Irminsul, ô toi qui dans tes mains
« Tiens la fortune et le cœur des humains,
« Écrase enfin l’ennemi qui t’insulte,
« Lis sur mon front les revers de ton culte,
« Et dans ce jour daigne faire pour moi
« Ce que mon cœur voudrait faire pour toi.
« Près de quitter cet Univers coupable,
« Et de voler dans ton sein adorable,
« Je mourrai donc sans venger tes autels,
« Sans t’immoler ces monstres criminels,
« Dont le mépris, tout fier de ta clémence.
« Ose accuser ton courroux d’impuissance !
« Du haut des cieux n’as-tu pas entendu
« Le cri du sang pour ton nom répandu ?
« J’adorerai ta grandeur infinie.
« Sublime en tout, sage dans ta fureur,
« Qui peut sonder ta vaste profondeur ?
« Si j’étais Dieu, j’épargnerais l’impie !
« Par sa faiblesse égaré quelquefois,
« Son cœur ingrat a méconnu ta voix ;
« Mais ces forfaits, l’opprobre de la terre,
« Dont l’arrogance assiège le tonnerre,
« Avec raison accusent de lenteur
« Le saint délai de ta juste fureur.
« Depuis quinze ans je combats pour ta gloire,
« Et mes cheveux sous l’airain sont blanchis,
« En combattant contre tes ennemis.
« À tes autels accorde la victoire,
« Ouvre à ma voix le cœur du prince Alain,
« Et montre-toi le Dieu de Vitikin ! »
À ce discours, baissant sa tête altière,
De son front chauve il pressa la poussière.
Mais cependant nos farouches Alains,
Des longs efforts d’une armée aguerrie,
Du haut des monts menaçaient Herminie ;
Par pelotons on en venait aux mains,
Et dans ces jeux, la victoire incertaine,