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« En ce moment où le pays voisin,
« Dans les horreurs d’une cruelle guerre
« Est inondé de sang et de misère ! »
« L’intérêt seul peut diviser les Rois,
« Dit le vieillard sans élever la voix ;
« De vos cités l’opulence et le faste
« Peuvent flatter une ambition vaste ;
« Mais les vertus et l’humble pauvreté,
« Vils citoyens de ce lieu redouté,
« Au noir Démon dont l’esprit les anime,
« N’offriraient point un prix digne du crime.
« Fasse le ciel qu’il vienne sur ces bords
« Chercher la paix ! elle fait nos trésors.
« Vous me semblez, à votre air, des gens d’armes ;
« Si l’avarice amène ici vos armes,
« Entrez, ce Temple est riche et précieux,
« Sur les autels vous trouverez les Dieux. »
« Ministre saint du Ciel que je révère,
« Et dont ma voix implore la colère,
« Augure mieux, lui répondit le Roi,
« De l’intérêt qui m’a conduit vers toi.
« Voici mon front ; que le nom des Furies
« N’est-il gravé sur celui des impies !
« Que les vertus et le respect des Dieux
« Ne brillent-ils sur un front vertueux ! »
Il ajouta la peinture sensible
Des longs malheurs d’une guerre terrible,
L’affreux récit des différens combats
Où le Destin a mal servi son bras ;
De son rival il peignit l’injustice,
Par un coupable et profane artifice,
Au nom du Ciel ravageant l’Univers,
Et s’arrêta sur le dernier revers
Dont le Destin a frappé sa patrie,
En envoyant Érâtre en Germanie.
Après un long et fâcheux entretien,
Les yeux au ciel, son glaive pour soutien,
Le Roi Saxon dans le Temple s’avance,