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L’ombre y répand un luxe vénérable :
Là le Silence interroge les cœurs,
La Piété lui répond par des pleurs,
Et le Forfait par des remords vengeurs.
Sous une voûte antique et formidable
De pins noueux que le Temps respectait ;
Ami des Dieux, un Temple s’élevait ;
Un triple rang de colonnes gothiques,
Bornait l’enceinte, et formait les portiques.
On aperçoit sur leurs combles mousseux,
Bustes brisés, simulacres des Dieux ;
Un calme saint, formidable à l’impie,
Règne à l’entour, et l’âme recueillie
Dans le silence et la paix de ces bords,
Entend les Dieux, et descend chez les morts.
Ici l’on voit l’image redoutable
D’un Dieu vengeur, armé par le coupable,
Et là parait la modeste Équité,
Tendant les bras au bon persécuté ;
Là, la Justice a gravé maint emblème
De la vengeance et du bonheur suprême.
Le méchant fuit en ces lieux combattu.
Sur les degrés, usés par la vertu,
On voit sans cesse un Prêtre vénérable,
Auprès du Ciel ministre secourable.
Ce ne sont point ses chants mélodieux
Qui vont là-haut intéresser les Dieux.
Les justes Dieux entendent le silence,
C’est aux forfaits à leur crier vengeance.
Le Roi de Saxe arriva dans ces lieux,
Pour implorer l’assistance des cieux.
Il aborda d’un air pieux et sombre
Le Patriarche assis sur le degré :
On l’aurait pris dans ce lieu pour une Ombre.
Il le recut de cet air assuré
Dont la vertu voit les grandeurs du monde.
« Ami du ciel, ah ! lui dit Vitikin,
« Quoi, vous vivez dans cette paix profonde,