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Mais j’oubliais de vous dire qu’Organt
Depuis trois jours était parti du camp,
Pour découvrir son oncle impénitent.
Le Paladin se trouva, sur la brune,
Près d’une eau claire où se mirait la Lune ;
Il suit sa course, allant au petit trot,
Et le hasard, qui fait tout dans le monde,
Le conduisit, par la pente de l’onde,
Vers un châtel dessiné par un Goth.
Quelques buissons de vieilles aubépines,
Avec tristesse égayaient ses ruines :
Là, d’une tour les combles mutilés,
Humiliés sous une ronce altière ;
Ici le Temps a tapissé de lierre,
D’un mur pendant les débris isolés ;
Là paraissaient de gothiques statues
De vieux Héros, de Beautés disparues.
Le Chevalier suspend son palefroi,
Et pénétré de langueur et d’effroi,
Il réfléchit sur l’altière bassesse
Et le néant de l’humaine faiblesse.
« Ce pont-levis, sur son axe rouillé.
« Rappelle au cœur les pas qui l’ont foulé.
« Dans les langueurs d’une amoureuse absence,
« Quelque Beauté, du haut de cette tour,
« Chercha des yeux l’objet de son amour.
« Cette terrasse a vu rompre la lance !
« Il gît peut-être en ces débris moussus
« Quelques Beautés qui ne souriront plus.
« Cette déserte et tranquille tourelle.
« Vit soupirer un Amant et sa Belle ;
« Elle entendit leurs baisers, leurs soupirs.
« Las ! où sont-ils ces momens, ces plaisirs ?
« C’est donc ainsi que la Parque ennemie
« Rend au néant les songes de la vie ?
« Ce vieux palais fut peut-être habité
« Par la Licence et l’Inhumanité,
« Par un tyran qui dévasta la terre,