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« Et très-féconds en damnables saillies.
« Les uns montraient un petit cu vaurien.
« Et s'en venaient aiguillonner le mien.
« Une pimpante et légère poupée,
« D'un pied léger sautait sur mon genou,
« Montrait le sien, se pendait à mon cou,
« Et provoquait ma luxure trompée.
« Le croiriez-vous ? un jour un gros Démon
« S'en vint conter fleurette à mon cochon,
« Même il voulut lui faire violence ;
« Mais le saint porc leva les mains aux cieux,
« Puis se signa, l'autre piqua des deux.
« Ces traits divers sont connus dans la France.
« Un jour entier ne me suffirait pas,
« Si je voulais raconter les combats
« Qu'à ma vertu ces Diabloteaux livrèrent,
« Et tous les tours dont ils m'importunèrent.
« De leur malice instruit par mon malheur,
« Je compatis au vôtre de bon cœur.
« Reposez-vous; entrez dans ma demeure,
« Et nous boirons ensemble tout à l'heure.
« Si vous étiez venus me visiter
« Dans les déserts du monde sublunaire,
« Je n'aurais pu si bien vous fêtoyer;
« Car je n'avais pour tout bien sur la terre
« Que mon cochon ; mais il fut ami mien,
« Et le meilleur. Cet animal de bien
« A mérité du Ciel après sa vie,
« De savourer l'immortelle ambroisie.
« À mon châtel vous le verrez tantôt;
« C'est un cochon qui n'est point du tout sot.
Tout Chevalier, Prélat, Diacre, Moine,
Suivit Ebbo chez Monsieur Saint-Antoine.
Pour les Soldats, ils se trouvaient contens
Du jus divin qui coulait dans les champs,
Et préféraient à toute autre cuisine
Les ananas de la forêt voisine.
Jà du nectar les flots étincelans,