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Leur envoya Monsieur Beelphégor,
Qui part, arrive, et s’avance, et dit d’or :
« Le Roi Satan, mon Seigneur et le vôtre,
« Amis Lutins, m’a dépêché vers vous.
« Sa Majesté daigne vous faire à tous
« Son compliment ; nous vous faisons le nôtre
« En patriote, et qui savons priser
« Une belle œuvre, et la récompenser.
« Mais ce n’est tout de ravir à la France
« Pour aujourd’hui le secours de ses Preux.
« De les revoir ôtez-lui l’espérance,
« En les jetant sur quelque coin des cieux ;
« Puis, mes amis, le projet est peu sage
« De vous gaudir et de danser ici.
« Si d’eau bénite il venait un nuage,
« À notre tour nous danserions aussi.
« Suivez mon vol. » Parlant de cette sorte,
Beelphégor vers la Lune s’emporte.
Le jour baissait, et cet astre en son plein
Semblait là-haut le cu d’un Bernardin.
De ce côté les Diabloteaux volèrent ;
En peu de temps à bord ils arrivèrent.
La région de ce globe argenté
Qui nous sourit pendant l’obscurité,
Est le pays de l’éternelle ivresse,
Et près de qui ce monde infortuné,
Qui ne fut fait que pour être damné,
N’est rien, hélas ! qu’horreur et que tristesse.
Là les Muguets de la céleste Cour
Se sont bâti des maisons de plaisance,
Dignes de Saints et de Moines de France,
Par la luxure et la magnificence.
Pour mériter place dans ce séjour,
Il faut avoir été dans le bas monde
Grand pénitent, grand fourbe, grand dévot,
Et les Bernards sont grands Seigneurs là-haut.
Là le nectar coule dans la campagne.
Vous n’êtes rien près de ce divin jus,