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« De le trouver, et de faire qu’il pèche.
« Il pèchera ; tous chercheront en vain.
« Mais écoutez, j’ai quelque autre dessein. »
Laissons le Diable, et les bords du Cocyte,
L’événement vous apprendra la suite.
Or un beau jour que les troupes dinaient,
Et que Bacchus et Mars se fêtoyaient,
De Diabloteaux une invisible nue
Noya le camp. Leur foule s’insinue
Dans les Soldats avec les brocs de vin ;
Chaque Guerrier avala son Lutin.
Voilà-t-il pas que les Gaulois Gendarmes,
Le Diable au corps, ont renversé les pots ?
Les uns, fougueux, se couvrent de leurs armes,
Courent par-tout, se jettent dans les flots.
Hernin criait : Qu’on prépare ma flotte,
Et Dutillet, qui croit voir un géant,
D’un bras nerveux pousse à l’air une botte.
Le vieux Raimon, sur ses grègues flottant,
Court lentement, et poursuit une Belle ;
Il tend les bras, il larmoye, il l’appelle.
Le Comte Arnout grimpe sur les rochers,
Jette des cris, et frappe les Bergers.
Alin entonne un concert angélique,
Ubalde y mêle une chanson bachique.
Livette crie : Un Madrigal oyez,
Lequel j’ai fait à l’heur d’un jeune Page.
Claude Roissi, se dressant sur ses pieds,
Croyait saisir et gober un nuage.
Talmon criait : Ma mère était P…
Griffonius, un gros livre à la main,
Chante : Messieurs, je suis le protocole
« De la vertu ; venez à mon école. »
Les uns dansaient, les autres se battaient ;
Les uns juraient, les autres raisonnaient.
Gridan blasphème, Irame est en prière ;
Et tout le camp est couvert de poussière.
« Ô mes amis ! grand Dieu, que faites-vous ?