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Trois pieds noués, et du crin sur la vue.
Ainsi Pékin, sur un éléphant lourd,
Voit ses Chinois perchés sur une tour.
L’un va grinçant sur une flûte douce ;
Sur une lyre un autre se trémousse ;
Qui tient un luth, qui tient un flageolet,
Et qui module un air sur un soufflet.
L’un va jetant de grands éclats de rire,
Et rit lui seul ; seul un autre soupire.
Sur l’animal à la file juchés,
Selon leur rang ils s’étaient affourchés.
Leur selle était, l’un un antiphonaire,
L’autre un in-douze, et l’autre un in-quarto ;
Les uns chantaient, d’autres faisaient l’écho,
Hors un qui ronfle, assis sur Bélisaire,
Qu’à M…, relié d’opium,
Par Morpheus il a transmis, dit-on.
L’un vomissait de gros cailloux de Suisse,
Tirés des rocs dont son sein se hérisse[1];
L’autre chantant l’Imagination,
Baise amoureux une colonne antique,
Qu’il anima de son souffle gothique.
L’un, par maintien, tenait un beau tison,
Et de la bête il était l’éperon.
Qui tout mouillé par une sueur froide.
En empesait sa Melpomène roide,
Et qui chaussant à droite un brodequin,
De l’autre pied un cothurne mesquin.
Rapetassé de celui de Sophocle.
Et du sabot laissé par Empédocle,
Broye un vers dur, d’un palais agacé,
Ou d’un bon mot le vertige insensé.
Tous ils faisaient d’effroyables grimaces,
Et se donnaient d’épouvantables graces ;
Ils sont suivis de phantômes de vent,
Et de neuf Sœurs, vierges simpiternelles,

  1. Vers à peu près de L…