Page:Saint-Just - Œuvres complètes, éd. Vellay, I, 1908.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHANT XIV

ARGUMENT

Comment Satanas assembla son Conseil, ce qui s’y passa ; grand voyage de l’Armée Gauloise dans la Lune.


Le Roi Satan, un dessein dans la tête,
Par un Sergent, au son de la trompette,
Fit assembler les Pairs de l’Achéron
À son châtel. C’était un gros donjon,
Environné des eaux du Phlégéton.
Les Dieux cornus, des rives du Cocyte,
À ce signal accoururent soudain,
Ayant pour sceptre un tison à la main.
Chacun d’entre eux siège sur un gradin,
Selon son rang, et la troupe maudite,
Dans sa lugubre et triste vanité,
Jouait la pompe et la divinité.
L’orgueil encor les suivait dans ce gouffre,
Leur front brûlé se dressait vers les cieux ;
Ils gigotaient sur des trônes de soufre,
Les cus rôtis, et les cœurs orgueilleux.
Mais qui peindra mainte forme inconnue
Que ces pervers étalent à la vue ?
Ici s’avance un reptile de feu,
De ses anneaux on voit briller le jeu.
Ici des bœufs qui marchent sur des roues.
Qui sur les rangs fièrement a paru,
Cu au visage, et le visage au cu ;
Là des bambins qui font d’horribles moues.
Quarante Esprits, non pas esprits malins ;
Mais ne sais quoi, ne Démons, ne Lutins,
Tenant en main une trompe fêlée,
Cornes au chef, et ceints d’un beau chardon,
Marchaient grimpés, vers la triste assemblée,
Sur un grand monstre, appelé la Raison.
Cet animal a la tête pointue,