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Henri régnait moins malheureusement ;
Son fils n’était qu’un Baron de campagne ;
Le Richelieu, moins altéré de sang,
Était meilleur, sans en être moins grand ;
Condé, Soldat, réparait sa naissance,
Et la raison mûrissait sa prudence ;
Louis le Grand était Peintre en pastel,
Moins de brillant, un éclat plus réel.
Quelque Censeur reprendra ma palette,
Pour achever cette image imparfaite.
Le temps présent est une tendre fleur,
Fleur délicate, et qu’une main sensée
Ne doit cueillir qu’après qu’elle est passée.
Et cependant notre brave Empereur,
Voyant les maux dont sa main sera cause,
En gémissant, repasse dans son cœur,
Et l’avenir et sa métamorphose.
Denis, voyant qu’il était insensé,
Le conduisit dans une ile voisine,
Lieux où tout rit, mais d’un rire forcé.
Des plaisirs faux la cohorte enfantine,
D’un filtre doux cherchait à l’enivrer.
Les Jeux, l’amour, les festins, la bombance
Charmaient parfois notre Empereur de France.
S’il était seul, on le voyait pleurer.
Dans ces instants, il maudissait sa vie,
Et sa raison renaissant par saillie,
Avec sang froid il descendait alors
Au fond d’un cœur brûlé par les remords ;
Il maudissait les Séjeans et la Reine,
Il essayait de rompre enfin sa chaîne.
Mais les plaisirs revenaient sur ses pas,
La volupté le berçait dans ses bras,
Et le bon Sire oubliait l’entreprise,
Ivre de vin, d’amour, et de sottise.