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Mais la folie embrouilla sa cervelle ;
Il oublia, par mégarde, je croi,
Qu’il était homme, et ne fut plus que Roi.
Ce n’était rien. Eh ! qu’est-ce donc qu’un trône ?
Ce n’est qu’un bloc où chacun peut s’asseoir ;
Mieux aimerais le sopha d’un boudoir.
Un trône au cu ne messied à personne.
Un Roi tout court est un Saint sur l’autel.
Un Saint de bois, qu’on appelle immortel.
Le benoît Prince était bon par lui-même,
Et ne devint méchant que par autrui ;
Il aurait dû ceindre son diadème
D’un double nœud, et n’eut eu tant d’ennui,
Si Cunégonde et Séjean il eût cui.
De Saint-Denis, Suzerain de la France,
Au haut du Ciel, en sa niche tapis,
Cette aventure échauffe les esprits.
Denis jura qu’il en aurait vengeance,
Foi de Chrétien, pour plus ferme assurance.
Voilà qu’il part, et tordant son cou saint,
II tordit tant, que son chef tombe à terre.
Monsieur Denis le perdit en chemin ;
Mais cette fois ne s’en aperçut guère,
Car le bon Saint s’en servait rarement.
Comment vit-il à poursuivre sa route ?
Il est bien loin de la céleste voûte,
Dans ces bas lieux. Il y vit comme il put.
Dame Lourdise à son aide courut.
Il s’approcha du feu Roi Charlemagne ;
Et dans son sein, par un art surprenant,
S’insinua sous la forme d’un vent.
Quand la vapeur du filtre de Champagne
Vient échauffer le convive engourdi,
Le cœur s’allume à la mousse d’Aï ;
Ses flots dorés enluminent la joue,
Et dans les brocs, le désir qui se joue,
Rend la vigueur à nos sens assoupis ;
De même alors le bon Monsieur Denis,